Retour aux sources : la naissance improbable de Double Sens en 2006. L'histoire de deux potes de 23 ans qui se lancent dans le toursime, solidaire, en Afrique.



AVRIL 2004, j’échange quelques shillings tanzaniens contre une heure de connexion Internet. Antoine – mon ami de toujours – est branché en direct de Londres. On partage les dernières nouvelles de nos vies parallèles, lui en stage marketing chez IBM et moi en poste pour une petite ONG anglaise spécialisée dans l’éducation. On a 22 ans, ça fait déjà quelques années qu’on a laissé nos guitares sur les bancs du lycée mais on sent qu’une autre aventure tout aussi rock’n’roll nous attend! Des centaines de lignes s’entrecroisent malgré les milliers de kilomètres… L’idée du jour devient l’idée du siècle!


CINQ MOIS PLUS TARD, nous voilà réunis au bar d’un casino en Bretagne. Ce job de nuit nous laisse la journée pour poser les premières pierres du grand chantier qui s’anime dans nos têtes. Il fait encore assez bon à cette saison pour un brainstorming dans le jardin.Aubeaumilieud’uneherbe fraîche, Antoine plante le trépied de notre paperboard aussi fièrement que s’il plantait le drapeau de l’OM sur la Lune. Les échanges seront aucœurdenos voyages, pour une expérience unique, en petit groupe, au plus proche de la culture locale. Un tourisme responsable et participatif.Découverte et solidarité résonnent fort dans nos esprits, comme une évidence à “Double Sens”! C’est voté, notre agence de voyages solidaires portera ce nom jusqu’au boutdumonde.Petit àpetit notre projet prend forme dans l’hiver qui s’installe. Trop froid pour le kitesurf, les parties de fléchettes au bar de pêcheurs sont notre seule distraction.


AVRIL 2005. On remplace la cible par une carte du monde et on s’envole en repérage pour trois mois au Bénin : coup de cœur, on a visé juste! Au retour, nous sommes attendus à Rennes devant 10 chefs d’entreprise du Réseau Entreprendre. Tout se joue là! 20 000 euros à la clef pour amorcer le projet. Qui d’autre miserait sur deux potes de 23 ans qui se lancent dans le tourisme, solidaire, en Afrique? Le comité doit valider le projet à l’unanimité pour débloquer les fonds, les questions fusent et notre complicité se charge de faire rebondir l’un ou l’autre du tac au tac. On a tout donné et on se dirige dans notre irish pub préféré pour débriefer ! Le temps de boire une première pinte et mon téléphone sonne, c’est Jaffrelot! Ce cher Gilbert sort de son rôle de président du comité et déroge à la règle en nous appelant directement comme un bon père de famille : « Les gars, mis à part votre angélisme déroutant, a priori vous pouvez compter sur nous ! » On commande une deuxième pinte pour fêter ça.


DÉCEMBRE 2005. Le site doublesens.fr est en ligne. Il présente un voyage, un seul : « Un séjour utile au cœur de l’Afrique noire ». Nos compatriotes ont l’esprit légèrement plus étriqué que nos voisins anglo-saxons (précurseurs du voyage solidaire) et savent à peine placer le Bénin sur une carte… mais on y croit ! Etrangement (comme on le pense) ou évidemment (comme on devrait le penser), on guette notre téléphone pendant toute une première journée, puis toute une semaine, sans autre surprise qu’un appel encourageant de ma grand-mère. Dans le doute, on décroche notre téléphone qui ne sonne pas et on contacte la presse à qui on présente notre initiative. Ça mord et la première colonne tombe en quatrième de couverture d’un grand quotidien français, dans la rubrique « Une idée pour agir ». C’est parti! Antoine s’accroche au combiné comme au micro de notre groupe de rock, il bichonne le moindre appel pendant que je prépare mon sac pour accueillir nos deux premiers voyageurs : Jean-Charles (qui n’est pas un vieil oncle) et Marie-France (qui n’est pas une ex)


AVRIL 2006. Un petit panneau Double Sens se glisse dans le hall d’arrivée de l’aéroport de Cotonou où notre équipe locale attend impatiemment un précieux groupe de deux voyageurs!